Les français et la fatigue informationnelle
Mutation et tension dans notre rapport à l’information par La Fondation Jean Jaurès, 01/09/2022
Pour mieux appréhender ce phénomène de fatigue informationnelle, en mesurer la portée, en saisir les enjeux et les risques, L’ObSoCo, Arte et la Fondation Jean-Jaurès se sont associés pour mener une enquête inédite.
Le sujet de « l’infobésité » est très peu abordé – et encore plus rarement étudié – de savoir ce que la multiplication des canaux d’information, leur profusion et leur transformation dans la façon de les produire induisent précisément sur les individus.
L’information est importante pour les français
Pour une majorité de Français, il est important de s’informer régulièrement dans les médias (59%). Pour un Français sur cinq, c’est même « très » important (20%). Pour autant, les façons de le faire ont considérablement changé en une poignée d’années.
8,3 canaux d’informations différents
En 2005, un Français sur deux (52%) était connecté, ils sont désormais plus de neuf sur dix (92%). Il y a dix ans, 17% possédaient un smartphone, ils sont aujourd’hui 84% ; 4% une tablette, ils sont 56% aujourd’hui ; 23% étaient sur les réseaux sociaux, ils sont aujourd’hui plus des deux tiers (67%)
Aujourd’hui, pour s’informer, les français utilisent en effet en moyenne 8,3 canaux différents et 3,2 quotidiennement. Trois canaux dominent : le JT télévisé de 13 heures ou 20 heures (89% s’informent en général par son intermédiaire), les réseaux sociaux (83%) et la radio (82%)
Une hiérarchie inversée
Quand le la était donné par le JT il y a encore quelques années, celui-ci vient aujourd’hui souvent se nourrir et valider ce qui émerge d’abord sur internet et les réseaux sociaux. Un espace conversationnel où désormais 40% des Français partagent des informations et 29% les commentent ou donnent leur avis.
L’engagement dans la communication d’informations
29% des Français témoignent d’un engagement fort dans la consommation d’informations, 49% d’un engagement moyen, 22% d’un engagement faible.
Plus d’un Français sur deux souffre de fatigue informationnelle
53% des Français qui disent souffrir de fatigue informationnelle, dont 38% – plus d’un tiers donc ! – en souffrent « beaucoup ».
Ils consultent à peine plus de médias (8,6 pour 8,3 au total), sont légèrement plus habitués aux réseaux sociaux (65% pour 61% de l’ensemble) et aux médias numériques en général (par exemple 13% écoutent des podcasts d’information pour 9% de l’ensemble des Français).
Les plus fatigués sont, en revanche, plus actifs dans leur rapport à l’information : 48% la partagent (pour 40% de l’ensemble), 34% la commentent en ligne (pour 29%), 9% envoient des courriers aux animateurs ou appellent des émissions de radio (6%).
49% éprouvent ce qu’il est désormais convenu d’appeler le FOMO (Fear of missing out : peur de manquer une information)
Les jeunes (ou natives) ne sont pas plus adaptés
Une idée fort répandue selon laquelle « les jeunes » sauraient s’orienter dans cet univers informationnel fragmenté, leur hyperconnexion constituant un atout pour y voir plus clair. Ce que montre l’étude est qu’au contraire, quelle que soit la catégorie de population ou d’âge, l’hyperconnexion et la surexposition aux informations ne garantissent pas le fait de pouvoir s’informer sans difficulté, ni sans conséquence
Finalement, le lien entre la fatigue informationnelle, la santé (les risques psychosociaux) et le bien-être est patent. Les personnes souffrant de fatigue informationnelle souffrent aussi plus que les autres de stress, d’anxiété, de déprime, de dépression ou d’addiction
Entre stratégies de protection et risque de retrait
Face au flux d’information, des stratégies de protection commencent à se mettre en place sur le plan individuel. Ainsi, 53% des Français disent qu’il leur arrive de désactiver les notifications de leur téléphone portable, dont plus d’un quart (27%) régulièrement. En outre, 30% se forcent parfois à ne pas allumer la télévision, 27% surveillent leur temps d’écran.
77% de Français déclarent qu’il leur arrive de limiter ou de cesser de consulter les informations, dont 28% régulièrement.Ce retrait est motivé avant tout par des débats qu’ils jugent trop polémiques et agressifs (34%), le manque de fiabilité des informations (32%) et l’impact négatif sur leur humeur ou leur moral (31%).
Le rapport est disponible ici https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/07/fatigue-informationnelle.pdf